Delfeil de Ton, je fais du Delfeil

Rina Sherman

VOICES, rencontres avec des personnes remarquables

HD, couleurs, 75 min, k éditeur, Paris, 2023

Synopsis VF

Un cinéportrait de  Delfeil de Ton, de son vrai nom Henri Roussel, un journaliste de la presse écrite française. Il est l’un des premiers rédacteurs de Hara-Kiri et de Hara-Kiri Hebdo (qui deviendra par la suite Charlie Hebdo). A partir de 1975, il était collaborateur de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Sous le titre « Les lundis de Delfeil de Ton », page créée dans Hara-Kiri Hebdo en 1969, il traitait de l’actualité, des faits de société, trouvant matière à écrire dans ce que nous pourrions appeler notre époque.

Né en région parisienne, Delfeil de Ton (de son vrai nom Henri Roussel), après des études de lettre et de droit et un service militaire de trente mois en Algérie, rédige les Mémoires de Delfeil de Ton qui seront publiées dans le journal satirique Hara Kiri en 1967. Nommé en 1969 rédacteur en chef du mensuel Charlie mensuel par son directeur George Bernier (alias « le Professeur Choron »), il participe au cours de la même année à la fondation d’Hara-kiri hebdo (avec, notamment, Cavanna, et les dessinateurs Willem, Gébé, Cabu, Reiser et Wolinski), puis de Charlie hebdo en 1970 après l’interdiction de l’hebdo Hara-kiri par les pouvoirs publics.Il quitte Charlie hebdo en 1975 pour Le nouvel Observateur (dans lequel il publie les Lundis de Delfeil de Ton ) tout en une collaboration plus ou moins régulière avec le journal Libération jusqu’en 1981.Pendant les années 80, il collabore également à L’autre journal de l’écrivain Michel Butel. Il participe en 2008 au lancement de Siné hebdo à la suite de l’affaire Siné-Val dans Charlie Hebdo en livrant sous la forme d’un billet hebdomadaire sa propre histoire de Charlie Hebdo.

Synopsis EV A film portrait of Delfeil de Ton, whose real name was Henri Roussel, a French print journalist. He was one of the first editors of Hara-Kiri and Hara-Kiri Hebdo (later Charlie Hebdo). From 1975, he was a contributor to the weekly Le Nouvel Observateur. Under the title « Les lundis de Delfeil de Ton » (Mondays of Delfeil de Ton), a page created in Hara-Kiri Hebdo in 1969, he dealt with current affairs and social events, finding material to write about in what we might call our times.

Born in the Paris region, Delfeil de Ton (real name Henri Roussel), after studying literature and law and thirty months’ military service in Algeria, wrote the Mémoires de Delfeil de Ton, published in the satirical journal Hara Kiri in 1967. Appointed editor-in-chief of the monthly Charlie mensuel in 1969 by its director George Bernier (aka « le Professeur Choron »), he helped found Hara-kiri hebdo that same year (with Cavanna and cartoonists Willem, Gébé, Cabu, Reiser and Wolinski), then Charlie hebdo in 1970 after Hara-kiri was banned by the authorities. He left Charlie hebdo in 1975 for Le nouvel Observateur (where he published Les Lundis de Delfeil de Ton), while continuing to work more or less regularly with Libération until 1981. During the 80s, he also contributed to writer Michel Butel’s L’autre journal. In 2008, following the Siné-Val affair in Charlie Hebdo, he took part in the launch of Siné hebdo, delivering his own history of Charlie Hebdo in the form of a weekly post.

collectionVOICES, rencontres avec des personnes remarquables
durée – 75 min
genre – documentaire, grand format / format 1 heure
classement – G – Public général, spécialisé, design, graphisme, recherche, universitaire
année – 2023
langue – français
pays d’origine – France
format – 1920×1080, 25fps, 1.66:1, son mono / stéréo
VOFR – voix française

contact vente & distribution

valeurs : document, histoire, portrait, éducatif, recherche, graphisme

hashtag : #kediteur #delfeildeton #journaliste #hara-kiri #charliehebdo #cavanna #nouvelsobservateur #obs #sinémensuel #rinasherman #VOICES

Crédit photo couverture : Rina Sherman / ADAGP

Les humanités-Média

Nicolas Villodre
8 mai 2023

Delfeil de Ton, post-scriptum (mémoire filmée)

 

 

Rina Sherman, performeuse-cinéaste formée et partagée entre l’esprit de la Kitchen et celui du cinéma direct, est l’auteure d’une impressionnante série de « ciné-portraits » (1) dans laquelle s’inscrit son dernier en date, Delfeil de Ton, Je fais du Delfeil, qui a pour artiste et modèle cet écrivain et figure historique de Hara-Kiri (mensuel et hebdomadaire), de Charlie Hebdo, mais aussi du Nouvel Observateur (et de L’Obs), de Siné Hebdo et de Siné Mensuel.

 

La disciple de Jean Rouch se souvient de ses conversations avec lui où il était question des prises de vues longues « rendues possibles par les nouvelles caméras vidéo portables permettant aux documentaristes de filmer de longs entretiens ». Jean Rouch persistait à défendre le support 16 mm qui lui a non seulement permis de créer, caméra à l’épaule, des « plans séquences » mémorables, mais également de revenir sur les lieux du crime (= du tournage), en Afrique, pour les montrer à leurs protagonistes grâce à un projecteur transportable. Rina rappelle aussi qu’il pestait contre le « saucissonnage » des plans vidéo au montage qui représentaient un « effondrement de la pensée documentaire ». Brault, le coréalisateur des Raquetteurs (1958) et l’homme à la caméra du film de Rouch et d’Edgar Morin Chronique d’un été (1961), dit dans le ciné-portrait Michel Brault, le cinéma c’est ce qu’on veut en faire (2013), qu’avec l’arrivée du son synchrone, les auteurs de documentaires « ne s’employaient plus à concevoir un univers, ni visuel ni, encore moins, sonore ».

 

Après ses « tournages avec des communautés Ovahimba en Namibie et en Angola (2), Rina Sherman se lance dans des portraits filmés, ayant en « en tête l’idée de la beauté d’un visage humain en gros plan qui parle, pendant longtemps ». Elle a relevé le défi de produire de cette sorte « des longs métrages composés de trois gros plans » et d’expérimenter la longue durée avec un minimum de moyens comme l’ont fait les danseurs postmodernes dans le sillage d’une Anna Halprin. C’est donc en quelques plans seulement que Delfeil de Ton s’adresse directement à la caméra pour revenir sur son passé, lui, rare survivant de la galaxie Hara-Kiri, autrement dit d’un fleuron de la presse satirique française d’après-guerre. Une époque qu’il retrace avec précision pour l’avoir vécue de l’intérieur et qu’il évoque avec une jovialité communicative, par moments estompée de pensées flottantes d’amis disparus, de mort naturelle ou, comme on sait, de façon plus brutale. Ces réminiscences sont perceptibles, à deux ou trois moments, les yeux de l’ironiste étant à peine voilés derrière des lunettes teintées, design, du dernier chic.

 
 

Couverture de « Hara Kiri » du 16 novembre 1970, interdit à l’affichage.

 
 

La une du premier numéro de « Charlie Hebdo », daté du 23 novembre 1970. (Dessin Gébé)

 

Rina Sherman revisite avec Delfeil de Ton « les lieux des rédactions parisiennes » qui ont jalonné sa carrière, à partir de 1967 (date de la publication par Cavanna des Mémoires de Delfeil de Ton par Delfeil de Ton), de la rue de la Grande Truanderie à celle des Trois-Portes, sans oublier la rue de Montholon – passant des truands à un général d’Empire ayant lui-même tenté de « truander » Napoléon. À partir de 7 heures du soir, l’agence Dalmas cédait son entresol au-dessus de la poste de la rue Saint-Denis à l’équipe de Hara-Kiri réduite à Georges Bernier (le Professeur Choron), François Cavanna, Wolinski, Reiser (âgé de 16 ans), et DDT. Hara-Kiri se dédoublant d’une version hebdomadaire, DDT assure la rubrique « Les lundis de Delfeil de Ton », soit 3.800 signes en deux colonnes, complétés, le cas échéant, par une photo ou par une rustine : le « Post-scriptum qui n’a rien à voir » avec l’article ! L’équipe s’étoffe avec l’arrivée de Gébé, Fournier, Cabu, et Willem. En 1969, DDT devient rédacteur en chef du mensuel Charlie consacré à la bande dessinée – inspiré du Linus italien.

 

La censure censée protéger la jeunesse suspend à plusieurs reprises le mensuel Hara-Kiri qui n’était ni « un journal de gamins » ni une publication destinée aux enfants et, définitivement, l’hebdomadaire, suite à sa couverture sans dessin, réduite au fameux faire-part de décès de De Gaulle : « Bal tragique à Colombey – 1 mort » (3). Une trouvaille de dernière minute de Choron après un long moment de cogitation. DDT quitte Charlie-Hebdo en 1975 pour le Nouvel Observateur dans lequel il reprend les « Lundis de Delfeil de Ton » jusqu’en 2020 et où il défend à plusieurs reprises Siné après l’éviction de celui-ci par Philippe Val, un ancien chansonnier à succès devenu directeur de journal avant d’être promu par Sarkozy à la direction de Radio France. Le directeur de l’Obs, Denis Olivennes, un ami de Val, refusa pour sa part de mettre un terme à la collaboration comme pigiste de Delfeil à cet hebdomadaire. DDT a collaboré à celui de Siné et contribue encore au mensuel portant le nom du dessinateur. Cela a été, dit-il, son « oxygène par rapport à l’Obs. »

 

Nicolas Villodre

 
 
 

(1). Ciné-portraits de Philippe Apeloig, Margo Rouard-Snowman, Jacques Blamont, Bernard Esambert, Michel Zink, Sylvie Depondt, Ruy Duarte de Carvalho, Henri Froment-Meurice, Alain Gheerbrant, Phill Niblock, James Patrick Donleavy, François Roustang, Bernard du Boucheron, Michel Brault, Andres Serrano, Zelda Kaplan, Rhoda Scott, Jean Tabet, Maïa Paulin Wodzislawska, Albert Sasson et Claude Lévy-Soussan. Ces films sont distribués en DVD et disponibles en VOD chez k éditeur

(2). A voir sur le site internet de Rina Sherman : http://www.rinasherman.com

 

(3). Ce titre faisait allusion à un fait divers tragique qui venait de se produire : l’incendie du 5-7, discothèque située le long de ce qui était la route nationale 520, à Saint-Laurent-du-Pont, qui avait fait 146 morts, le 1ᵉʳ novembre 1970.

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